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La convivialité : bonne pour le marché ... à condition de bien la valoriser !

Puisque le thème du dernier Salon du végétal était la convivialité, Bruno Canin s'est penché sur le côté convivial des acheteurs des enseignes de jardineries. Ils sont bien à la hauteur de leur réputation, plus convivaux que ceux de la grande distribution. Toutefois, cette qualité présente quelques limites... PHOTO PASCAL FAYOLLE

Lors d'une conférence au dernier Salon du végétal, Bruno Canin, formateur et consultant, a dévoilé les résultats d'une enquête qui révèle que les acheteurs des jardineries sont plus conviviaux que ceux de la grande distribution. Mais ils n'en tireraient pas assez profit !

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Bruno Canin a travaillé pendant cinq ans en grande surface alimentaire, à la gestion des achats. Il est ensuite passé de l'autre côté de la barrière, oeuvrant pendant 25 ans pour des fournisseurs de ce même type de commerce et de l'univers du jardin. Il se présente donc comme un spécialiste de la relation client/fournisseur. Il a fondé et dirige aujourd'hui BC COMsulting, entité de formation et conseil en développement commercial. À ce titre, outre des formations dédiées aux professionnels de la jardinerie, il réalise, avec des élèves, des enquêtes sur le commerce et son fonctionnement. Le thème du dernier Salon du végétal étant « De nature conviviale », il s'est posé la question : « des jardineries de nature conviviale avec les fournisseurs, est-ce bon pour le business ? ».

Lors d'une conférence organisée à plusieurs reprises lors de ce salon, il a dévoilé les réponses qu'il a pu apporter à cette question grâce à un travail mené avec des étudiants en seconde année d'IUT GEA (Gestion des entreprises et des administrations) à l'université de Lyon 1. Les interviews de 212 fournisseurs multi-canaux, c'est-à-dire qui vendent à la fois aux GSA et GSB, (grandes surfaces alimentaires et bricolage) et aux jardineries ont été menées entre février et avril de cette année en région Auvergne-Rhône-Alpes. Pour lui, pas de doute : « la jardinerie, c'est encore aujourd'hui un peu le monde des Bisounours ! ».

Des acheteurs de jardineries plus pros et plus respectueux...

« J'entends souvent les professionnels de la jardinerie dire qu'ils ne travaillent pas comme dans l'alimentaire, je voulais vérifier le bien-fondé de cette affirmation », poursuit Bruno Canin.

La première question qui a été posée aux commerciaux interrogés pour l'étude est : « comment qualifieriez-vous la posture de vos interlocuteurs dans ces deux circuits ? ». La réponse est sans appel. Aux propositions de posture « Professionnelle », « respectueuse » et « conviviale », les jardineries sont infiniment mieux perçues que la grande distribution, qui ne l'emporte que pour un item de réponse possible : « Agressive ». La posture des interlocuteurs est jugée professionnelle chez 37 % des acheteurs de grande distribution contre 65 en jardinerie, respectueuse chez 24 % des contacts en grande distribution contre 84 % en jardineries et enfin, elle est jugée conviviale à hauteur de 18 % en GSA et GSB contre 78 % en jardinerie. Seule la posture « agressive » met la grande distribution devant, à 64 % contre 8 %. À ce stade, il faut bien le constater, les professionnels de la jardinerie ont un profil différent de ceux de la grande distribution, et ce ne sont pas eux qui le disent, mais bel et bien leurs interlocuteurs !

Etre convivial sans se laisser marcher sur les pieds

La seconde question qui a été posée aux fournisseurs des deux réseaux est : « en quoi la convivialité d'un interlocuteur influence-t-elle votre démarche commerciale ? ». Seules 15 % des personnes interrogées estiment que la convivialité provoque « de l'empathie et du soutien ». Ce n'est pas fondamental, estime Bruno Canin. Pour 42 %, son influence est le renfort des offres et le suivi. « Il est plus commode de travailler avec des gens conviviaux », précise le formateur. Pour la moitié des fournisseurs consultés, avoir des interlocuteurs chaleureux facilite la réalisation d'objectifs. En d'autres termes, il est plus facile de faire des affaires avec des gens sympas. « Mais faut aussi se poser la question, jusqu'à quand s'en servir sans se faire marcher dessus », ajoute Bruno Canin. Enfin, pour 58 % des acheteurs de l'échantillon, avoir des interlocuteurs conviviaux permet des économies de condition, en d'autres termes, de moins céder sur les tarifs et les remises. « Là c'est embêtant : le distributeur rattrape chez nous ce qu'il ne peut pas prendre dans la grande distribution », poursuit Bruno Canin.

Les acheteurs pourraient bénéficier de plus d'aide et d'offres

La troisième question qui a été posée aux 212 commerciaux de l'échantillon est « sous quelle forme et pour quels bénéfices un interlocuteur peut-il tirer profit de sa posture conviviale avec vous ? ». Et là, 62 % estiment que leurs interlocuteurs pourraient bénéficier d'offres plus nombreuses, pour une meilleure dynamique de leurs points de vente. Ils peuvent aussi attendre plus de suivi (pour 58 %) ainsi que des aides diverses et ils ne le demandent pas toujours. Ils pourraient aussi avoir, estiment 55 % des personnes interrogées, plus d'opportunités de « faire des coups », promos de fin de mois, par exemple. Enfin, pour 46 % de l'échantillon, les acheteurs peuvent compter sur plus de disponibilité et de réactivité de la part de leur interlocuteur fournisseur. « Je serai naturellement plus disponible et plus réactif pour quelqu'un de convivial », semblent-ils dire.

Ne pas confondre convivialité et naïveté

« Il est donc indéniable que les acheteurs des jardineries et ceux de la grande distribution sont différents, conclut Bruno Canin. Mais attention, les fournisseurs en profitent et il est possible d'inverser la tendance. La convivialité, c'est bien à condition qu'il y ait des retombées pour le business. Etre dans la maîtrise de la relation avec le fournisseur est une bonne chose, mais pas au détriment de l'activité et des marges. Un magasin n'est pas fait que pour présenter un beau produit, il est là aussi pour vendre. Or, le consommateur est très sollicité, submergé de SMS pour acheter tel ou tel produit. Dans ce contexte, pas facile de le séduire. D'où l'idée de valoriser son côté convivial pour créer une dynamique commerciale et profiter de plus de promos ».

Et le consultant d'insister : « Convivialité, oui, naïveté, non ! Quand je suis arrivé dans le secteur de la jardinerie, cette naïveté m'a surpris. Les gens qui y travaillent sont très pros et connaissent bien leurs produits, aux dépens des méthodes de vente et de terrain. Il faut être plus attentifs à ce point. La marge se fait entre le fournisseur et le magasin, avec des produits vendus de moins en moins cher, cette notion ne peut qu'être amenée à devenir encore plus importante »

Pascal Fayolle

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